À l’occasion du procès d’Abdelhakim Dekhar, qui a tiré sur un jeune photographe dans les locaux du journal Libération en 2013, et qui était le troisième homme de l’équipée sanglante du couple Maupin & Rey en octobre 1994, nous avons tiré le fil et sommes retombés sur le contexte politique de 1995…
Roulés dans la farine 68tarde, provoqués par un crétin manipulés par les services, utilisés par un niveau d’organisation qu’ils ignoraient complètement, et dont ils croyaient être les ennemis, les deux amoureux du squat de Nanterre finiront brisés, l’un truffé de plomb dans la bagnole d’un otage, l’autre en taule pour 15 ans, dans laquelle elle aura tout le temps de regretter son geste, entre TS et défonçage de gueule par les autres taulardes.
Cette nuit de folie où tout a dérapé : hasard ou calcul ?
On ne reviendra pas sur les dates et les faits, connus de tous (les curieux) ou presque, il suffit d’aller sur Wikipédia. Le journalisme d’après l’Internet ne peut plus se limiter au « qui quoi où pourquoi comment », le quinptyque bateau des écoles de journalisme. Tout ça, c’est fini. Les robots le feront demain à partir des sources Wikipédia (il y aura alors un combat autour des « sources »). L’intelligence artificielle va balayer les escrocs et autres perroquets de la plume, qui passent leur temps à copier les autres ou à transmettre les versions officielles.
La différence se fera sur l’intelligence – c’est-à-dire l’agencement – des choses. Et puis un jour Wikipédia disparaîtra puisqu’on pourra avoir une puce avec toute la connaissance humaine branchée sur notre cerveau, donc plus besoin d’apprendre par cœur ou de retenir un tas de trucs, seule l’imagination, purement personnelle, fera la différence. Mais ça, c’est pour plus tard et aujourd’hui, on est aujourd’hui, le 17 novembre 2017. Jour où s’ouvre le procès du tireur de Libération, Abdelhakim Dekhar.
Dekhar, avec sa tronche de Jean-Luc Delarue sans l’intelligence, servira de détonateur à un couple de jeunes paumés, farcis d’idéologie d’extrême gauche, c’est-à-dire de pur mensonge oligarchique puisque les antifas sont les pions bénévoles et sacrificiels du pouvoir profond. Une imposture et une manip qui durent depuis 50 ans. L’année prochaine nous « fêterons » les 50 ans de cette fausse révolution, qui verra la victoire du sociétal sur le social, du socialisme sur le communisme, et de l’alliance toujours renouvelée du trotskisme et du renseignement. Rey & Maupin tomberont dans le piège de la radicalisation, ce filtrage d’individus suffisamment étourdis par la détresse sociale qu’ils serviront les plans de l’oligarchie sans s’en rendre compte.
Les gauchistes radicaux ou le « service action » jetable
Dekhar, Merah, Kouachi... On ne peut s’empêcher de comparer les profils des IUT (idiots utiles du terrorisme) à des étages différents de la manipulation. Un mille-feuille de personnages qui partent du haut – le politique – vers le bas, ceux qui commettent l’irréparable au profit du haut, en passant par les agents qui vont du bureau au terrain. Dans le cas Dekhar, l’étrange recruteur de la Légion Gérard Manzanal. Extrait de l’article de L’Humanité du 26 mai 1996 :
Ce matin-là, le magistrat ordonne donc à trois ou quatre gendarmes, habituellement employés au Palais de justice, de venir dans son bureau en civil. Il faut brouiller les pistes. Les hommes s’alignent. Tous âgés d’une cinquantaine d’années. Au milieu, le recruteur présumé. Un certain Gérard Manzanal que bien peu de monde connaît. Sauf peut-être ceux qui s’intéressent au dossier du GAL, le Groupe antiterroriste de libération dont les commandos ont semé la mort au Pays basque entre 1983 et 1987.
Dans cette affaire de terrorisme d’État, supposé lutter contre l’ETA, son nom a été cité par un témoin à charge dans le volet espagnol de l’enquête. Nulle part son portrait n’a été diffusé. Dans les milieux nationalistes basques, on pensait même qu’il avait disparu. Mais il est bien vivant. Au milieu de la parade d’identification, Abdelhakim Dekhar le reconnaît, tend son index et dit : « C’est Gérard Manzanal, l’officier qui nous dirigeait à Beyrouth et m’a présenté à des officiers de la Sécurité militaire algérienne. Il était membre du SAC. C’est lui qui me l’a dit. »
Entretenant le doute des enquêteurs et des journalistes à son esprit plus ou moins défendant – un idiot, un agent, ou un agent involontaire, c’est-à-dire idiot – Dekhar fait le lien entre les services (qui lui ont peut-être fait croire qu’il était un agent en infiltration) et les milieux autonomes d’extrême gauche, ce réservoir d’activistes à utiliser en cas d’urgence politique. Et infilrés jusqu’à l’os depuis le début des années 70.
Élargissons le tableau pour comprendre le rapport entre un fait divers violent et un contexte politique tendu
Et ce mois d’octobre 1994, à l’Assemblée nationale, c’est la droite qui domine. La gauche a été laminée aux législatives de mars 1993, la victoire de la droite même coupée en deux entre UDF et RPR est écrasante : 81% des députés sont soit giscardiens, soit chiraquiens.
À l’exécutif, c’est la droite RPR qui mène la danse dans une cohabitation entre un Balladur à 50 % d’opinions favorables en septembre 1994 (60 % à droite) et un Mitterrand mourant, qui laissera les clés du camion France au ministre originaire du Levant. La cohabitation entre l’ambitieux Balladur, obligé des grandes banques d’affaires et fondateur des « noyaux durs » – ce clan de multinationales qui vont déchiqueter les grandes entreprises publiques pour en garder les bons morceaux et jeter le reste à un État affaibli – et un président cancéreux fantomatique, obligé de s’allonger la moitié de la journée dans son bureau élyséen, donne des ailes aux chiraquiens. La cohabitation durera de mars 1993 à mai 1995.
Mais l’important, ce n’est pas l’Assemblée, même détenue à 80%, sous la Ve, c’est le pouvoir présidentiel. Depuis de Gaulle, c’est le président qui détient tout. La droite va gagner, ce n’est pas le problème, mais quelle droite ? La dure ou la molle ? La RPR ou l’UDF ? Elle va donc, comme toujours, se déchirer sur une base sécuritaire. Balladur se présente, avec le soutien de l’UDF, contre Chirac le 18 janvier 1995. On connaît la suite. Il sera rejoint par le traître Pasqua, alors ministre de l’Intérieur de la cohabitation.
C’est dans ce contexte extrêmement tendu qu’il [Pasqua] défend, à l’automne 1994, un projet de loi « d’orientation et de programmation relative à la sécurité » qui vise à harmoniser l’action des services de police, de douane et de gendarmerie ainsi qu’à augmenter leurs moyens d’actions. Parmi les dispositions qu’il prévoit pour maintenir l’ordre public figurent le renforcement des mesures de contrôle et de fouille en marge des manifestations et l’autorisation de la vidéosurveillance. (Wikipédia)
Deux faits divers terroristes ont alors lieu, ensanglantant la France (enfin l’opinion) en pleine campagne électorale : la fusillade en plein Paris du commando Rey & Maupin mais surtout la prise d’otages de l’avion d’Air France du 24 au 26 décembre 1994, opération qui verra la réussite complète de l’assaut du GIGN, malgré la mort de 3 otages, exécutés par le commando du GIA. Leur objectif « présumé » était de planter l’Airbus dans la Tour Eiffel ou la Tour Montparnasse...
Deux événements choc ont donc saisi les Français à l’aube de l’année 1995. Un choc intérieur avec les 5 morts de la place de la Nation, puis l’éprouvante prise d’otages de Marignane, filmée en direct. Charles Pasqua est à la manœuvre, il durcit le ton contre l’extrême gauche et les terroristes islamistes dont – Dekhar ferait en quelque sorte office de lien – et force la droite à durcir son discours. Erreur stratégique : l’élection présidentielle de 1995 ne se jouera pas sur la sécurité mais sur le social. 10 ans plus tard, ce sera l’inverse. Nous dirons que l’oligarchie aura réussi à renverser l’ordre des priorités pour le peuple français. Un travail de fond inlassable avec des « accidents » jusqu’à la victoire finale.
Conclusion
Les périodes électorales sont dangereuses pour les Français. En période électorale, l’extrême droite israélienne au pouvoir provoque la résistance palestinienne et durcit la répression pour obtenir des voix. Le pouvoir français, de droite ou de gauche, fait de même en instrumentalisant son opposition de principe. Et si l’on peut fabriquer un fait « divers », on peut fabriquer un fait « terroriste », qui n’est que la variante d’intensité supérieure. Un fait divers, de quelque nature que ce soit, ne surgit donc pas d’un contexte, c’est leur contexte qui le produit. Ou le fabrique.